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ment philosophique ; on n’a qu’à semer les idées justes. Cependant cette indifférence même touchant les pratiques extérieures du culte religieux a été citée comme une preuve de l’infériorité des Africains. Il a fallu qu’ils fussent longtemps étudiés par des voyageurs intelligents et instruits, pour qu’on pût voir combien on s’était trompé, en ne leur reconnaissant que les simples conceptions des idées fétichiques. Suivant ces voyageurs, au-dessus et à côté du fétiche dont le culte provient d’anciens rites et d’habitudes ancestrales perpétuées par la tradition, la religion de la plupart des peuples de l’Afrique est une sorte de rationalisme pratique, comme on oserait l’appeler, s’il était question d’une conception européenne. « Les Nègres mêmes qui conçoivent une divinité supérieure, dit Bosman, ne la prient jamais et ne lui offrent jamais de sacrifices, cela pour les raisons suivantes : « Dieu, disent-ils, est trop au-dessus de nous, et est trop grand pour condescendre à s’inquiéter de l’espèce humaine ou même pour y penser[1]. »

Assurément, des hommes dénués de toute éducation philosophique et qui, sur la simple exposition faite par un missionnaire des qualités ou attributs qui distinguent l’être suprême, arrivent à une conclusion si logique, ne sont nullement des cerveaux ineptes. Park, cité par Sir John Lubbock, répète que la même réflexion a été faite par les Mandingues sur l’efficacité de la prière. « Les Mandingues, dit·il, pensent que Dieu est si loin, que sa nature est tellement supérieure à celle des hommes, qu’il est ridicule de s’imaginer que les faibles supplications des malheureux mortels puissent changer les décrets ou le but de la sagesse infaillible[2]. »

  1. Bosman, Pinkerton Voyages, p. 493.
  2. Park, Travels, vol. I, p. 267.