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« Dans sa fille qu’il voit, sous ses yeux avilie,
Perdre aux baisers impurs sa native couleur,
Son sourire divin, comme une exquise fleur,
Sous le souffle brutal chiffonnée et pâlie !

« Jamais la douce voix de la fraternité
Ne vient d’un mot d’espoir consoler sa tristesse ;
Pour lui n’existe point cette suave ivresse,
Ces longs ravissements de la paternité !…

« Le seigneur me tira, comme autrefois Moïse,
De ces bas-fonds impurs où l’esclave croupit ;
Et j’ai pour mission, dans son cœur assoupi,
D`éveiller ces vertus dont la flamme électrise.

« J’ai déjà vu finir les injustes tourments ;
Déjà j’ai vu les miens redresser haut la tête :
Déjà la liberté, leur sublime conquête,
Trouble leur sein ravi de longs frémissements…

« Et quel tyran, frappé d’une étrange démence,
Pense encor retrouver des êtres tout tremblants
Dans un peuple grandi jusqu’au niveau des blancs,
Rêvant un destin grand comme le ciel immense ?…

« Ah ! ce n’est que trop vrai, ces vaisseaux que je vois,
Ces vaisseaux dans leurs flancs ramènent l’Esclavage…
Se peut-il qu’en nos champs du commandeur sauvage
Vienne encore tonner l’épouvantable voix ?

« Se peut-il que du bruit des chaînes que l’on rive
Résonne encor l’écho de nos vallons en fleurs ?
Se peut-il que devant un destin gros de pleurs
Mon esprit flotte, ainsi qu’un navire en dérive ?

« Oh non, Je combattrai. Les despotes m’ont dit :
« Sur votre front pleuvront les faveurs de la France »…
Mais des Noirs dans ma main je tiens la délivrance :
Si je trahis leur droit, je veux être maudit !

« Rangez·vous sous mon bras, nobles fils de l’Afrique !
Dites si vous voyez pâlir notre flambeau
— « Non, ce n’est qu’une éclipse, il renaîtra plus beau ! »…
Oh ! Je sais que grande est leur force numérique,

« Grande aussi leur valeur ! Ces farouches guerriers
Qui savent à les suivre obliger la victoire,
Sans doute, en s’éloignant des rives de la Loire,
À leur patrie ont dit : — « Tressez-nous des lauriers ! »