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le procédé n’est pas du meilleur aloi dans une discussion scientifique. Mais disons bien vite que Broca ne resta pas toujours sourd à la vérité. Il abandonna bientôt cette inflexibilité doctrinale, cette pertinacité bien belle dans le caractère de l’homme privé ou public, dont elle prouve la fermeté d’esprit et la haute moralité, mais qui est une pierre d’achoppement pour le savant. Celui-ci, en effet, ne doit point montrer une opiniâtreté si grande à soutenir une doctrine, qu’il en vienne à détourner systématiquement ses yeux de tout ce qu’il y a de plus clair et de plus évident dans la science qu’il étudie. Aussi quinze ans plus tard, verrons-nous l’illustre physiologiste, avec l’esprit naturellement plus éclairé, dégagé surtout de tout parti pris, discuter avec une largeur de conception remarquable la théorie de la sélection naturelle. Sa conclusion mérite d’être citée. Elle est bien éloignée de l’opinion exprimée plus haut, mais ce changement opéré dans les idées de Broca, à travers l’espace d’une quinzaine d’années, est lui-même un argument précieux en faveur de l’évolution intellectuelle qui se manifeste dans toute organisation cérébrale, sans exception de races ni de conditions, puisque blancs ou noirs, illettrés ou savants, tous les hommes en donnent chaque jour l’exemple.

« La civilisation, dit-il, admet donc « au banquet de la vie[1] » une nombreuse catégorie d’individus que la nature brutale en aurait exclus. Dans ces conditions, on conçoit que la valeur moyenne de la race puisse être relevée de deux manières : ou bien par l’élimination des faibles, ou bien par leur perfectionnement. La nature suivrait le premier procédé, la civilisation suit le second. La baisse de la

  1. Ces mots ainsi guillemetés font sans doute allusion à la phrase célèbre de Malthus que Mme Clémence Royer semble prendre un peu trop à la lettre dans la préface de sa traduction de l’Origine des espèces de Darwin.