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les éléments de la nature inanimée ou vivante s’entrechoquent dans une étreinte insensée.

La roche brute lutte contre les intempéries de l’air qui la désagrègent et l’émiettent ; le lichen lutte contre la roche qui lui refuse son suc déjà si pauvre ; l’arbre lutte contre le parasite qui l’étouffe, la plante lutte contre l’arbre qui lui vole sa part de lumière et contre l’insecte qui la dévore ; l’insecte lutte contre les oiseaux, les reptiles ou d’autres insectes qui lui font la chasse ; ceux-là continuent à lutter contre les carnassiers ou contre d’autres éléments du règne végétal ou animal. Continuellement, du faible au fort, du fort au faible, c’est un carnage insensé dans toute l’échelle biologique. M. Coutance[1] a décrit avec une ampleur et un talent saisissant ces rudes combats où tout dans la nature ne semble vivre qu’en répandant la mort et la ruine autour de soi.

Toute cette guerre d’extermination vient aboutir a l’homme contre lequel les organisations inférieures se coalisent, encore qu’elles continuent à se combattre. C’est un tableau terrifiant que celui de l’homme sauvage, désarmé et nu, en face de toutes ces attaques. Son existence est incertaine ; chaque pas qu’il fait peut en être le dernier. Surpris à tout moment par les embûches que lui tend la nature, sa vie est une malédiction : la ronce lui perce le pied, les lianes le renversent, un insecte lui suce le sang, un autre le pique de son aiguillon ; des animaux voraces l’attaquent et le poursuivent, effaré. N’est-ce pas un être condamné à disparaître de la terre avant qu’il ait pu s’apercevoir de la beauté de la nature et en jouir par la contemplation ? Il a résisté pourtant. Mais c’était à la condition de devenir féroce, de développer en son esprit tous les mauvais instincts, tels que la ruse, la méfiance, l’égoïsme. Ce qui devra

  1. A. Coutance, La lutte pour l’existence.