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autres races humaines, viennent aussi la stimuler par leur puissante action.

Un autre jeune poète griffe d’un grand avenir est M. Thalès Manigat, du Cap-Haïtien. Son talent s’est développé tout seul dans le silence du travail. Ce qu’il a de fort remarquable, c’est le faire exquis dont les écrivains de race donnent seuls l’exemple. On y rencontre la riche variation des notes, les rimes harmonieuses et sonores, la coupe savante du vers coulé dans une forme toute moderne, l’art des enjambements entendu à un degré supérieur ; il a enfin toutes ces habiletés du vrai artiste, lequel change les mots en autant de matières plastiques d’où il tire des ciselures, des arabesques, sachant mettre l’idée en relief pour la faire briller comme dans un écrin.

Les poésies de M. Thalès Manigat sont encore inédites, sauf quelques pièces fugitives publiées dans les journaux du pays ; je prends donc la liberté d’en offrir un spécimen au lecteur. Ce n’est pas la plus belle, ni la meilleure de ses compositions ; mais je n’en ai pas d’autre sous la main. Telle qu’elle est, je la trouve encore digne de figurer dans les meilleurs recueils.




LA HAVANAISE.




à mon ami Jules Auguste.


La lune était sereine et jouait sur les flots. (Victor Hugo).


Sur la mer azurée où se mire l’étoile
Sereine de la nuit,
Légère et confiante, une éclatante voile
Se balance sans bruit :
C’est l’esquif de la belle havanaise
Au teint brun velouté ;
Aux bras de son amant la señora tout aise
Étale sa beauté.