Page:Firmin - De l’égalité des races humaines.djvu/285

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

suivit M. Ollivier, son maître, en 1697, au siège de Carthagène. Comme il en revenait sur un bâtiment de transport, il fut fait prisonnier et mené en Europe où les Hollandais le rachetèrent avec seize autres qui furent tous envoyés en France. Vincent qui frappait par sa haute stature, fut présenté à Louis XIV. Ayant pris de la passion pour la vie militaire, Vincent alla faire les guerres d’Allemagne sous Villars et, à son retour à Saint-Domingue, M. le marquis de Château-Morand, alors gouverneur général, le nomma, en 1716, capitaine général de toutes les milices de couleur de la dépendance du Cap, d’où lui était venu le nom de capitaine Vincent, sous lequel seul il était connu et qu’on lui donnait lors même qu’on lui adressait la parole.

« La conduite de Vincent et ses vertus qui étaient parvenues à rendre le préjugé muet, lui obtinrent l’épée du roi avec laquelle il se montrait toujours, ainsi qu’avec un plumet. Vincent était admis partout : on le vit à la table de M. le comte d’Argout, gouverneur général, assis à ses côtés et moins enorgueilli de cette marque d’une insigne prédilection que celui qui la lui avait accordée. Il donnait à tous les hommes de sa classe un exemple précieux ; son âge et une mémoire extrêmement fidèle le rendaient toujours intéressant.

« Je l’ai vu dans l’année qui précéda sa mort, rappelant ses antiques prouesses aux hommes de couleur qu’on enrôlait pour l’expédition de Savanah, et montrant dans ses descendants qui s’étaient offerts des premiers, qu’il avait transmis sa vaillance. Vincent, le bon capitaine Vincent, avait une figure heureuse : dans le contraste de sa peau noire et de ses cheveux blancs se trouvait un effet qui commandait le respect[1]. »

  1. Moreau de Saint-Méry, Descrip. de la partie française de l’île de Saint-Domingue.