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pensée, l’intelligence, la volonté, en un mot, tout ce qui constitue une supériorité réelle a certainement résidé en elles. Mais c’est comme les princes qui ont passé quelques instants sous des toits humbles et bas : ces lieux ne peu- vent jamais garder intégralement le cachet magnifique dont ils ont eu l’empreinte passagère.

Aussi quitterons-nous le crâne extérieur, qui paraît impuissant à nous éclairer, pour suivre les anthropologistes dans l’étude spéciale du cerveau. Là sans doute, nous trouverons le secret, la recondita dottrina, que nous recherchons avec tant d’ardeur ; secret magique à l’aide duquel on peut distinguer enfin le sceau de supériorité dont la nature a marqué les uns, et les signes d’infériorité qui font des autres les plus infimes représentants de l’espèce humaine.

Si la science, devant laquelle je suis habitué à m’incliner, me dévoile enfin le mot cabalistique ou le fil caché qu’il faut avoir pour forcer la nature à parler, alors même que ma conviction devrait faire place aux plus pénibles désillusions, j’écouterai déconcerté, mais résigné. Mais, si malgré la meilleure volonté, il est impossible de pénétrer ces arcanes de l’anthropologie ; si, telle qu’une courtisane capricieuse, elle a caché toutes ses faveurs, pour en faire comme une auréole autour du front illuminé des Morton, des Renan, des Broca, des Carus, des de Quatrefages, des Büchner, des de Gobineau, toute la phalange fière et orgueilleuse qui proclame que l’homme noir est destiné à servir de marchepied à la puissance de l’homme blanc, j’aurai droit de lui dire, à cette anthropologie mensongère : « Non, tu n’es pas une science ! »

En effet, la science n’est pas faite à l’usage d’un cénacle fermé, fût-il aussi grand que l’Europe entière augmentée d’une partie de l’Amérique ! Le mystère, qui convient au dogme, l’étouffe en l’avilissant.