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nous reconnaissons l’égalité virtuelle de tous les hommes et de toutes les races. Admettre leur inégalité, c’est donc légitimer la servitude de ceux qu’on prétend inférieurs. J’y insiste particulièrement ; car si, dans la politique intérieure et internationale, on reconnaît l’égalité de tous les hommes et de toutes les races aux mêmes charges comme aux mêmes dignités, il se conçoit peu qu’on érige, à côté de ces faits légaux, une théorie scientifique qui serait l’antipode de la théorie juridique.

L’inégalité des races humaines, si elle était réelle, légitimerait si bien l’esclavage que, d’une façon manifeste, le propriétaire de l’esclave ne peut le considérer un seul instant comme son égal, sans qu’il soit en même temps aiguillonné et accable par la répulsion de sa propre conscience.

C’est un fait curieux que les Romains, qui ne se préoccupaient nullement des classifications naturelles, mais qui voyaient plutôt la question au point de vue juridique et philosophique, avaient pourtant senti le besoin de régulariser par une fiction spécieuse le droit de possession de l’homme par l’homme. Ces conquérants infatigables offrent, en effet, ce trait distinctif que, dans toute leur longue histoire, ils ont continuellement aspiré à édifier partout un ordre de choses légal et régulier, gage d’une paix stable qu’ils se croyaient destinés à imposer au monde entier par la force des armes !

Hœc tibi erunt artes, pacique imponere morem

Eh bien, afin de légitimer l’esclavage, qui est une dérogation évidente au droit des gens, ils n’imaginèrent d’autre moyen que celui de faire de l’esclave un être inférieur aux autres membres de l’humanité. Aussi le droit romain définit-il l’esclavage par ces termes expressifs : capitis diminutio. Les esclaves, les diminuti capitis, présentaient aux yeux des citoyens une personnalité incomplète et infé-