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qu’une occasion superbe de cueillir une palme nouvelle dans le jardin fleuri de la rhétorique et de prouver par son humanitarisme de convention, qu’il a bien fait ses humanités. Mais qui ne sent la contradiction d’une telle tactique ?

Pour moi, toutes les fois que je lis ces passages enlevés, ce style grave et pompeux où, tout en flétrissant ma race sur le front de laquelle on semble imprimer le sceau de la stupidité, on proteste éloquemment contre l’immoralité de l’esclavage, je ne puis m’empêcher de crier au pharisaïsme.

Broca, par exemple, qui n’hésite pas à dire son fait au noir Éthiopien, s’exprime avec une curieuse indignation contre le régime de l’esclavage. Mais croit-on que c’est sous l’inspiration des idées philosophiques de justice et de solidarité qu’il lève la voix ?… Non, il n’est contrarié que parce que la question de l’esclavage était, à son avis, le principal obstacle mis à la propagation de la théorie po- lygéniste.

« Lorsque de généreux philanthropes, dit-il, réclamèrent avec une constance infatigable la liberté pour les noirs, les partisans de l’ancien ordre de choses, menacés dans leurs intérêts les plus chers, furent bien aises de pouvoir dire que les Nègres n’étaient pas des hommes mais seulement des animaux domestiques plus intelligents et plus productifs que les autres. À cette époque, la question scientifique fit place à une question de sentiment, et quiconque faisait des vœux pour l’abolition de l’esclavage, se crut obligé d’admettre que les Nègres étaient des Caucasiens noircis et frisés par le soleil. Aujourd’hui que les deux plus grandes nations civilisées, la France et l’Angleterre, ont émancipé définitivement les esclaves, la science peut réclamer ses droits, sans s’inquiéter des sophismes des esclavagistes. » Il est évident que ces paroles de Broca ne renferment rien d’exagéré. Comme tout son amour-