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le portugais, lorsqu’ils ont reçu une instruction solide ?

Waitz a mentionné tous ces faits, que je connais personnellement pour la plupart[1]. Mais en m’exprimant ici dans une langue dont mes ancêtres de Dahomey n’avaient absolument nulle idée, ai-je besoin d’offrir un exemple plus éloquent de la nullité des rapports naturels qu’on a essayé d’établir entre le langage et la race ?

La vraie relation qu’il faut donc reconnaître, c’est celle qui existe entre la parole et la pensée. C’est la pensée qui imprime à la parole ce caractère élevé, supérieur entre tous, et dont l’homme est si légitimement fier. Pour qu’une langue se perfectionne, il suffit que les peuples qui la parlent aient grandi en conscience et en intelligence, en savoir et en dignité. Il en est de même de l’individu. C’est pourquoi l’expression de Cicéron, vir bonus dicendi peritus, sera éternellement vraie. En réalité, toutes les langues n’offriront pas toujours les mêmes ressources littéraires. Tel idiome se prêtera plus spécialement à un genre de littérature que tel autre. Mais l’homme dont la pensée a acquis une élaboration supérieure, finit infailliblement par triompher de ces difficultés.

En effet, les langues, se décomposant en leur plus simple contexture, n’offrent d’abord que le squelette inanimé des thèmes verbaux ou nominaux qui, par des combinaisons de linguistique, le plus souvent inconscientes, spontanées, prennent chair et sang. La pensée leur communique la vie en y apportant ses formules. Les plus heureuses néologies nous viennent souvent dans un moment d’enthousiasme sans que la conscience ait rien fait pour en contrôler la conception. Ce sont d’ordinaire les meilleures. Ce qui a concouru à leur création, ce qui leur donne la forme, c’est le cœur de l’écrivain, c’est sa vie intellectuelle exaltée en

  1. Théod. Waitz, Anthropologie der Naturvölker, Leipzig, 1859.