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Révolution française. Or, admettre qu’il avait suffi des seules forces de l’intelligence humaine pour inventer le langage, comme le XVIIIe siècle le proclamait avec l’école épicurienne, n’était-ce pas élever un piédestal à l’orgueil humain, et légitimer toutes les tendances tumultueuses qu’on manifestait hardiment, avec la prétentieuse formule : « Chaque homme est le seul ouvrier de sa propre destinée ? » Il lui parut donc faire œuvre pie et conservatrice, en préconisent une théorie contraire. D’après lui, la parole nous serait venue d’une source plus haute, nos premiers parents l’ayant reçue de Dieu lui- même par les moyens surnaturels de la révélation. « Suivant Bonald, dit Fr. Lenormant, l’homme, au moment où Dieu l’a placé dans le monde, était muet et privé de pensée ; ses facultés intellectuelles existaient en lui à l’état de germe, mais elles étaient frappées d’impuissance, incapables de se manifester et par suite de se produire. Tout à coup, la lumière a éclairé ces ténèbres et le miracle a été produit par la parole de Dieu qui a frappé l’oreille de l’homme et lui a révélé le langage. »

Impossible de condenser en moins de mots et d’une manière plus saisissante, tant par l’élévation du style que par la sûreté de l’interprétation, la théorie que l’auteur des Recherches philosophiques avait imaginée pour expliquer l’origine du langage. Mais là encore, c’était le terrain de la métaphysique ; peut-être même de la théologie politique. La question manquait donc de base scientifique. En effet, la linguistique à l’aide de laquelle on pouvait l’étudier avec fruit, n’était pas encore constituée d’une manière systématique et rationnelle.

Il est vrai que depuis 1787, Hervas, savant jésuite espagnol, nommé par Pie VII préfet de la bibliothèque Quirinale, après que son ordre avait été chassé de l’Espagne, a écrit en italien un ouvrage volumineux où l’on trouve de