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préface.

d’idées, pour que la vérité qui en découle brille à leurs yeux avec une éloquente évidence :

Verum animo satis hœc vestigia parva sagaci
Sunt[1].

Je suis noir. D’autre part, j’ai toujours considéré le culte de la science comme le seul vrai, le seul digne de la constante attention et de l’infini dévouement de tout homme qui ne se laisse guider que par la libre raison. Comment pourrais-je concilier les conclusions que l’on semble tirer de cette même science contre les aptitudes des Noirs avec cette vénération passionnée et profonde qui est pour moi un besoin impérieux de l’esprit ? Pourrais-je m’abstraire du rang de mes congénères et me considérer comme une exception parmi d’autres exceptions ? Certes, j’ai trop de logique dans mes conceptions pour m’arrêter à cette distinction aussi orgueilleuse que spécieuse et folle. Il n’y a aucune différence fondamentale entre le noir d’Afrique et celui d’Haïti. Je ne saurais jamais comprendre que, lorsqu’on parle de l’infériorité de la race noire, l’allusion ait plus de portée contre le premier que contre le second. Je voudrais même me complaire dans une telle pensée mensongère et inepte, que la réalité, jamais menteuse, viendrait me faire sentir, à chaque instant, que le mépris systématique professé contre l’Africain m’enveloppe tout entier. Si le noir antillien fait

  1. Lucrèce, De nature rerum, Liv. I, v. 396.