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qu’elle est autorisée par d’habiles gens, j’ai jugé à propos de la suivre, si ce n’est à l’égard de certains mots qui sont si nuds lorsqu’on en a oté quelque lettre qu’on ne les reconnoît pas.

« A l’imitation de l’illustre monsieur d’Ablancourt, Préface de Tucidide, Apophtegmes des anciens, Marmol (1) [1], etc., et de quelques auteurs célèbres, on change presque toujours l’y en i simple. On retranche la plupart des lettres doubles et inutiles, qui ne défigurent pas les mots lorsqu’elles en sont retranchées. On écrit afaire, ataquer, ateindre, dificulté, et non pas affaire, attaquer, difficulté. »

On voit combien cette orthographe est conforme à celle que Firmin Le Ver a consignée dans son dictionnaire rédigé deux siècles et demi auparavant. On doit moins s’étonner et l’ouvrage de Richelet, sous le rapport de l’orthographe, est si fort en avance sur le premier Dictionnaire de l’Académie de 1694. Lors de l’apparition, en 1680, de 1’œuvre de Richelet, la copie des premières lettres du travail académique devait être déjà entre les rnains de Coignard, imprimeur de l’Académie françoise (le privilége donné à l’Académie par son Dictionnaire est de 1674). Or, d’après le témoignage même du privilège, la rédaction en était commencée dès 1635 : elle devait donc représenter l’état de la langue, et de l’écriture en particulier, non pas en 1694, date de l’achèvement du dictionnaire, mais tel qu’il pouvait être vers 1660, époque de la mise sous presse de la première édition des cahiers. (On s’en convaincra en jetant les yeux surle Tableau comparatif qui suit.) Or le travail d’analyse et de coordination accompli par de savants académiciens pendant la longue période comprise entre 1635 et 1680, époque de l’apparition du Dictionnaire de Richelet, ainsi que toutes les propositions acceptables des grammairiens réformateurs étaient, pour ainsi dire, non avenues : l’Académie se croyait engagée par les décisions grammaticales et orthographiques adoptées dans les Cahiers, puis dans les premières lettres du Dictionnaire.

Il est résulté de cette lenteur du travail, très-explicable en pareille matière, qu’au point de vue de l’usage, même en fait d’écriture, l’œuvre académique s’est trouvée arriérée en naissant, et que l’orthographe du Dictionnaire de Richelet de 1680, si raisonnable en bien des points, n’a pu être sanctionnée en partie par l’Acadé

  1. (1) 3 vol. in-4, 1667, revu par Richelet.