Page:Firmin-Didot - Observations sur l’orthographe ou ortografie française, 1868.djvu/121

Cette page n’a pas encore été corrigée

Cette belle édition, où Robert Estienne introduisit une riche moisson de termes nouvellement imités du latin et même du grec, servira donc de point de comparaison avec la manière d’écrire qui a précédé et celle qui a suivi.

Le docte imprimeur écrit, on le comprend, conformément à l’étymologie les mots savants de nouvelle formation ; mais de plus, il a réintégré des lettres dites caractéristiques dans une grande partie des mots d’une époque antérieure. Il corrige cylindre au lieu de cilindre, cymaise au lieu de cimaise, cymbale au lieu de cimbale, cyprès au lieu de ciprès, phiole au lieu de fiole ; il écrit chauchemare (cauchemar), chaulx (calx), cheueul (capillus), eichorée ; il redresse hermite en ermite ; il réclame chifre et non chiffre, à cause de l’hébreu sephira. Il respecte cependant les formes consacrées par l’usage, soulfre, thriacle (thériaque), et il écrit sans th tesme (thema), et sans ph orfelin. Sa manière d’agglutiner les mots composés est conforme à celle que je propose : il réunit tous les mots composés avec la préposition contre (1) [1]; il écrit chaussetrape, chauuesouri, chathuant (qui serait mieux écrit chahuant), des chaufecires. On peut regretter toutefois de rencontrer partout dans ses colonnes des mots défigurés par l’addition de lettres latines déjà représentées dans le français ; comme chaircuictier, poulpitre, poulser, poulsif, poulsin.

L’autorité dont jouit le Dictionnaire français de Robert Estienne se perpétua longtemps. En 1586 Guillaume de Laimarie, imprimeur de Genève, donna une édition très-correcte du Dictionarium puerorum que Robert avait publié en dernier lieu, en 1557, postérieurement au Dictionnaire français-latin (2) [2]. Cette édition de Laimarie renchérit dans plusieurs cas sur le Dictionnaire de 1549, pour l’emploi des lettres étymologiques surérogatoires ; mais on lui doit quelques bonnes leçons, comme sansue par exemple (écrit sanssue dans le ms. Le Ver).

Le Dictionnaire français-latin connu sous le nom de Jean Nicot, qui parut pour la première fois en 1564, le Thrésor de la langue françoyse du même, dans lequel il a mis à profit les recherches

  1. (1) La marque du superlatif très est toujours réunie au mot qu’il modifie : tresaccoutumé, tresaise (très-aise), tresuite (très-vite). Cette série forme plus de trois cents mots dans son Dictionnaire.
  2. (2) Laimarie remania l’ordre des mots de la partie française pour remédier à la confusion qui résultait du groupement des mots dérivés sous leur simple et il adopta l’ordre alphabétique absolu.