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men. Amen. Cest liure est et appartient [aux chartreux pres dableuille [1] en pontieu de leuesquiet damiens. Qui lara le rende. Explicit. »

Je n’insisterai pas sur l’intérêt que ce beau manuscrit d’une écriture soignée et très-lisible, présente pour l’histoire de notre langue, dont il offre le tableau complet à une époque bien déterminée, et non cette promiscuité des temps et des lieux inévitable dans les glossaires actuels du vieux français. Il est facile, en le parcourant, d’apprécier quel était l’état de l’idiome « gaullois » sous le règne de Charles VII, pendant, la période de l’invasion étrangère, si funeste aux études et aux lettres. Le soin apporté par l’auteur au classement des mots, soin que je nai pu constater dans aucun des glossaires manuscrits que j’ai vus, la justesse des synonymies et des définitions, en font une œuvre à part, un corpus général notre vieux langage en même temps que du latin, à l’époque qui précède immédiatement celle où les érudit de la renaissance allaient, non plus seulement introduire dans le français une couche nouvelle de mots de forme, latine, mais le replonger vivant dans le moule du latin littéraire de Cicéron et de Virgile, en substituant un calque romain à la forme propre au vieux langage français et conforme à ses procédés phoniques

Sous plusieurs rapports le Dictionnaire latin-français de Le Ver jette un nouveau jour sur l’état de l’écriture et de la prononciation au commencement du XVe siècle. On y voit combien l’orthographe des mots latins s’était déjà simplifiée et se rapprochait de la simplicité de forme figurative de la prononciation. On y lit ainsi écrite cette série de mots antitesis, antrax, antropofegi, antropoformita, antropos sans ph ; tous ces mots sont expliqués en latin, le mot français pour le traduire ne faisant pas encore partie de notre langue ; mais on voit ainsi écrits et traduits les mots : IDRA, idre ; IDROPICIA, idropisie, IDROPICUS, idropiques ; IDROMANCIA, devinemens par les eaux ; IPOTECA, ipotèque ; IPOTECARIUS ou APOTECARIUS, apoticaire ; ANTECRISTUS, antecrist ; TIRANNUS, tirans ; LIRA, lire ; MISTERIUM, mistere ; MARTIRIUM, marttire, etc.

Ces explications des mots latins encore privés de correspondants français sont quelquefois curieuses et instructives pour nous refléter les idées de l’auteur et de son temps. Je lis aux mots Theatrum Comedia, Tragedia.

« THEATRUM. A theoro, ras, quod est videre : dicitur hoc

  1. Ce passage a été gratté dans le XVIe siècle.