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du Dhammapada n’ont à craindre aucune comparaison. Une fois sortie de la vieille épopée, la poésie brahmanique n’est plus guère, il faut bien le reconnaître, qu’un divertissement de lettrés : c’est une belle œuvre d’art, qui plaît sans émouvoir. La poésie bouddhique est humaine : elle traite, sans vaine rhétorique, de thèmes éternels : le déchirement des séparations, les déchéances de la maladie et de la vieillesse, l’effroi de la mort et du redoutable mystère qui est au delà du tombeau. Par là elle est plus proche de nous. Le pèlerinage de l’humanité se déroule toujours en vue du même horizon, et les paroles d’espoir ou d’angoisse, de joie ou de tristesse qu’il a inspirées aux hommes d’autrefois nous touchent encore à travers les siècles. Le Moi n’a rien perdu de ses appétits et les anathèmes de Çântideva sont toujours de saison, — on oserait presque dire d’actualité. Telle théorie mystique, encore vivante et discutée, se trouve déjà formulée par lui, en termes d’une admirable précision, celle, par exemple, de la vertu purifiante de la douleur (VI, 12 sqq.). S’il n’a pas dit avant Baudelaire :

Soyez béni, mon Dieu, qui donnez la souffrance
Comme un divin remède à nos impuretés,

c’est que la Providence n’a pas sa place dans l’univers bouddhique ; mais, faute de bénir Dieu, il bénit les auteurs humains de la douleur, par qui