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brider ses penchants égoïstes : au contraire, on peut sans remords, dans l’intérêt de « soi-même », ravir à « autrui » son bien, son honneur et jusqu’à sa vie, puisque, en fin de compte, c’est soi-même qu’on aura immolé à l’intérêt d’autrui. L’égoïsme est transmué en charité par le simple effet d’une bonne méthode (VIII, 135 sqq.).

Dévotion, charité, dialectique, éloquence, adresse : voilà déjà bien des mérites. Ajoutons-en un dernier, qui n’est pas le moindre de tous : le style. Çântideva se montre, d’un bout à l’autre de son œuvre, un excellent écrivain et, par endroits, un remarquable poète. Ses vers sont nets, bien frappés, sans flou ni bavures : il suffit de parcourir quelques pages pour apprécier cette qualité, même, il me semble, à travers la traduction. Ce moraliste tranchant a en outre une véritable sensibilité poétique : on ne saurait s’y tromper à l’accent dont il exalte l’amitié des arbres ou les calmes joies de la méditation sur les rochers spacieux baignés par la clarté de la lune (VIII, 26, 86).

On n’a pas accoutumé, il est vrai, d’associer les notions de bouddhisme et de poésie, mais c’est là une injustice ; car si, pour des raisons faciles à comprendre, l’Église bouddhique a produit peu de poètes, elle en compte quelques-uns de premier rang : Açvaghosha, Çântideva, l’auteur anonyme