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s’en dégage une physionomie originale et attachante, où dominent les caractéristiques de l’esprit mahâyâniste : la piété et la charité.

« C’est une très belle œuvre, a dit Auguste Barth, une sorte de pendant bouddhique de l’Imitation, dont il respire l’humble renoncement et l’ardente charité. Il nous révèle dans le bouddhisme hindou du VIIe siècle un côté que nous ne lui connaissions pas : le véritable esprit de l’apostolat n’y était pas éteint et, dans ses rangs, il ne comptait pas que des bonnes[1]. »

Mais ce serait une grande erreur que de voir dans cet apôtre une sorte de poverello mystique et ignorant. Çântideva était un docteur de cette secte des Mâdhyamikas qui a poussé plus loin qu’aucune autre le nihilisme et la sophistique ; et certainement il fait honneur à l’enseignement de l’école. Pour fervente qu’elle soit, sa pensée coule naturellement dans les canaux traditionnels de la dialectique. Contre le Moi, l’ennemi à vaincre, il engage la lutte sous la forme classique du perpétuel dialogue entre deux disputants : l’un posant la thèse, l’autre soulevant l’objection ; le premier réfutant le second, qui recule pas à pas jusqu’à la chute de son dernier argument. Ce système ne va pas sans quelque sécheresse, et parfois, dans le chapitre IX

  1. A. Barth, Œuvres, ii, 172.