Page:Filon - Mérimée, 1898.djvu/139

Cette page n’a pas encore été corrigée
130
PROSPER MÉRIMÉE.

vieux amis de jadis, maintenant ses complices dans la préparation des charades et des tableaux vivants, il ne manquait point, dans cette cour tant calomniée, de gens d’esprit avec lesquels Mérimée pouvait causer sans déroger. Lorsque, vers la fin, sous l’influence de l’âge et des infirmités qui s’aggravaient, il n’eut plus de goût à la grosse joie et ne pratiqua plus le dulce desipere in loco, on ne le laissa pas bouder tristement dans son coin. Dans l’été de i865, à Fontainebleau, pendant que tout ce qui était jeune, bruyant, moderne à outrance allait fonder le babyclub dans une prairie à l’autre bout du lac, les sages, les lettrés, les amis du plaisir subtil et délicat s’amusaient à faire revivre une « cour d’amour », dont la présidente était la belle Mme Przedzieçka, l’ « autre Inconnue » (aujourd’hui aussi bien connue que la première), et dont Mérimée lui-même était secrétaire.

Quant au reproche de courtisanerie, personne ne le méritait moins que lui et personne n’eût été moins propre au métier de courtisan. D’abord l’idée qu’on se fait d’un courtisan est une notion d’autrefois ; elle ne peut subsister que dans la pensée de ceux qui n’ont jamais eu l’occasion d’approcher les princes. Dans une monarchie moderne, au sein d’une société démocratique, il n’y a plus qu’un seul courtisan : c’est le souverain. La musique qu’on lui fait entendre est toujours bonne, les livres qu’on lui dédie toujours beaux, les discours qu’on lui débite