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À l’heure fixée, elle était à l’étude du notaire. Cet homme, habitué de discuter ces sortes de situations avec des hommes, ou avec des femmes mêlées de longue date à ces questions épineuses, se demandait ce que cette enfant assise en face de lui pouvait bien vouloir. Longtemps il s’était occupé, et avec succès, des intérêts de Madame des Orties, et il n’avait pas voulu refuser cette entrevue bien qu’il la jugeât puérile.

Comme le notaire la regardait toujours en souriant, et ne lui adressait pas la parole, elle brisa la première le silence.

Au fond, il lui pressait de savoir quelle était la vraie signification de ce mot : ruine.

Elle commença :

— Notaire, je comprends que ma démarche vous surprenne, mais vous savez, j’ai vingt et un ans, je ne suis plus une enfant, et maman est tellement frappée de la nouvelle que vous lui annonciez hier, que je ne veux pas la laisser porter seule le poids de notre malheur. Je désire premièrement savoir quel était notre avoir approximatif avant cette catastrophe.

Le tabellion se mit à énoncer des chiffres.

Pierrette avait un crayon, du papier, et les consignait à mesure avec soin.

— Maintenant, continua-t-elle quand le notaire eut cessé de parler, que nous reste-t-il ?

Sa voix était tranchante comme un couteau.

Il sentait qu’elle avait eu le temps de penser : vous, un homme, un homme en qui maman avait toute confiance, vous avez risqué cet argent qui ne vous appartenait pas dans des placements qui n’étaient pas de toute sûreté ; imbécile, imprudent.

Elle eut la délicatesse de ne pas formuler la moindre remarque ou insinuation malveillantes. Elle compilait des chiffres et tendait toute sa volonté à comprendre des choses quelle ignorait, et avait voulu ignorer jusqu’à ce jour.

Elle hasarda une dernière question :