Page:Filion - Amour moderne, 1939.djvu/95

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 93 —

— Êtes-vous malade ? maman, dit-elle en s’approchant rapidement du lit sur lequel Madame des Orties s’est effondrée sans enlever sa robe de satin.

Pierrette veut voir le visage qui s’est enfoui dans l’oreiller.

Sa mère, avec des yeux égarés, ajoute :

— Tu veux savoir, tu as raison. Je te l’ai caché aussi longtemps qu’une lueur d’espérance m’est restée. La catastrophe est irrémédiable : nous sommes ruinées…

Puis elle cache de nouveau sa figure et recommence à sangloter.

Pierrette qui ne sait pas exactement tout ce que signifie pour elle et pour sa mère cette exclamation : « Nous sommes ruinées », entoure les épaules de sa maman de ses deux bras, la berce comme l’on fait aux petits enfants pour calmer leurs larmes, et répète :

— J’irai voir, demain, cet oiseau de mauvais présage. Ne t’inquiète pas, petite mère chérie, tu verras, nous nous tirerons d’affaire, même si nous n’avons pas tout cet argent inutile.

De plus, elle pensait : « Guy ne nous laissera pas dans la misère, si réellement notre situation est désespérée ». Elle ne pouvait y croire, elle se disait : « nous aurons simplement un peu moins de superflu. »

Elle aida sa mère à enlever sa robe, à glisser son déshabillé mauve, dans lequel, elle la trouvait encore si belle.

Elle s’assit à ses côtés, et se mit à raconter des drôleries remarquées dans la rue lors de sa sortie. Avec ses nouvelles affolantes, ce vilain hibou a failli me faire oublier toutes mes histoires. Elle riait et non pas forcément. L’inquiétude n’avait pu s’installer en maîtresse dans son esprit occupé de tant d’autres choses attrayantes.

Elle prit son souper avec sa mère qui ne s’était pas senti la force de descendre à la salle à manger. Elle l’aida à se mettre au lit, s’assit dans un fauteuil et lui tint compagnie jusqu’à ce qu’elle s’endormît.