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— C’est forcé, répondit Pierrette judicieusement, ils ne me connaissent aucunement.

Un voile de tristesse s’étendait sur la petite famille.

Pierrette ne pouvait s’empêcher de faire un parallèle entre ces fiançailles dépourvues de joie, et l’époque enchantée qu’elle avait vécu lors de son engagement à Charlie. Les réunions sans nombre qui avaient été offertes en leur honneur, le repas de fiançailles, l’accueil affectueux et sympathique des parents du jeune homme.

Malgré tout, les heures s’égrenèrent et la quinzaine était écoulée. Madame des Orties ne put s’empêcher de demander à Pierrette si elle était toujours dans les mêmes sentiments, si la réponse devait être affirmative ?

— Oui, maman, si toutefois vous ne vous opposez pas à la réalisation de mes projets.

— Je consens à cette union, puisque tu crois aller vers le bonheur. Puisses-tu ne pas le regretter un jour ?

Aussitôt que le « oui » eut touché le jeune homme, Pierrette reçut une longue lettre débordante de termes affectueux, pour mieux dire chaque mot était une caresse. Il en venait une tous les jours. Un beau matin, dans le pli parfumé que Pierrette attendait maintenant avec impatience, il était question d’un voyage à Bône.

Pierrette ne pouvait s’en tenir de joie. Guy avait marqué en toutes lettres : « Je me rappelle, petite fiancée chérie, votre désir d’aller à Bône. J’y accéderai. Nous irons d’abord en France saluer ma famille, et ensuite je vous conduirai voir le ciel bleu et la mer bleue qui vous faisaient rêver, il y a si peu de temps encore. »

Elle s’envola porter cette bonne nouvelle à sa mère qui ne partagea pas son enthousiasme.

— Si tu savais les appréhensions dont ta résolution me remplit. Je n’ai que de mauvais pressentiments.

— Maman, vous me gâtez mon plaisir. On croirait à vous entendre que je cours à un malheur certain.