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deaux à ma famille, vous ne vous y êtes pas appauvrie, ça y paraît.

Il jetait un coup d’œil de convoitise sur la mine soignée de Pierrette.

— L’aumône n’appauvrit jamais, rétorqua la jeune fille, c’est Dieu qui le veut ainsi.

L’homme alla s’asseoir à l’autre extrémité de la pièce sur une chaise boiteuse.

Pierrette remarqua que la femme était absente, et que le père était seul avec quelques enfants.

— Où est votre femme ? s’enquit-elle.

— Elle est allée travailler, il faut bien manger.

— Et les enfants ?

— Ah ! les gueux ! ils courent la rue.

La jeune fille parut ne pas s’apercevoir de la désinvolture de cette réponse. Elle se planta devant le mari désœuvré et abruti :

— Voulez-vous travailler, oui ou non, si on vous fournissait du travail, auriez-vous la bonne volonté de l’exécuter ?

Il la regardait avec un air narquois ; en avait-elle du toupet ?

Elle réitéra sa question.

— Peut-être bien, la mignonne, pour vous faire plaisir.

— Mais si vous travaillez, il ne faudra pas boire votre argent. Je le saurai, n’en doutez pas.

Il la dévisagea sournois :

— Êtes-vous de la police secrète ?

Elle ne releva pas l’intention blessante, promit de lui chercher du travail, et lui conseilla de mettre un peu d’ordre dans la maison.

— Comme vous y allez, mon bijou, ne vous gênez pas tandis que vous y êtes. Mais dites donc, pourquoi ne m’aideriez-vous pas ?

Elle le regarda d’un long regard très digne.

— Je ne badine pas, en attendant de travailler pour gagner, faites œuvre utile et soulagez votre femme autant que la chose vous est possible.