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M. de Morais proposa à la jeune fille d’aller patiner. Dehors, mêlés à d’autres couples, cette contrainte qui risquait de s’éterniser dans ce boudoir bien clos serait vite dissipée.

Pierrette acquiesça. Elle en était même charmée, elle craignait tant qu’il n’essayât de la questionner s’ils restaient à causer tout l’après-midi. Et ses résolutions de la veille s’en allaient à vau-l’eau tant l’empire que ce jeune homme exerçait sur sa volonté était grand.

Ils se rendirent donc à la patinoire. Guy s’agenouilla devant elle, vissa lui-même les patins à ses bottines, boucla les courroies. Ensuite il chaussa ses lames d’acier et s’essaya seul. Il était très habile patineur, elle avait pu le constater aux quelques tours qu’il avait exécutés sur lui-même afin de s’assurer de son savoir. Il revint, se plaça à sa gauche, prit dans ses deux mains croisées devant lui les mains de la jeune fille, il se pencha sur le pied droit, et en souriant :

Êtes-vous prête ? demanda-t-il.

— Oui, dit-elle d’une voix très basse.

Puis ils s’élancèrent et plièrent souples comme des voiles sous le souffle du vent. Sans effort, sans bruit, ils allaient d’un balancement si pareil qu’on aurait dit un seul corps glissant sur la glace en un vol d’oiseau. Guy regardait sa compagne, toute rosée par le vent qui fouettait son visage. Ils se séparèrent, firent la double boucle, la huit, la pirouette au saut et à la course, puis de nouveau se réunirent, et le même balancement les emporta sur le miroir de glace. Un instant, il eut peur d’avoir présumé de ses forces, elle venait de ralentir son élan, il se pencha vers elle afin de s’informer, mais déjà elle s’était immobilisée et adressait la parole à une jeune fille qui venait d’arriver sur la glace, elle la présenta à Guy de Morais, s’excusa d’avoir interrompu leurs évolutions.

— Ce n’est rien, Mademoiselle, mais j’ai craint un instant de vous avoir entraînée trop longuement et trop violemment.