La jeune fille aurait bien voulu sombrer dans le sommeil, avec tous ses ennuis, mais c’était impossible, comme sur un écran les scènes du retour de Charlie se déroulaient, suivies par la vision de reproches possibles, de longues scènes de récriminations.
Quand elle se présenta au dîner, sa mère la prévint que Guy de Morais s’était informé si elle se sentait remise de la fatigue qu’elle avait éprouvée la veille.
— Il savait donc, chérie, que tu avais présumé de tes forces,
— Je souffrais d’un violent mal de tête quand nous avons laissé le théâtre. Je m’efforçais de le lui cacher, mais avec lui c’est impossible. Il est beaucoup plus subtil que Charlie, il devine tout, souvent même ce que je pense.
Elle semblait préoccupée.
Elle était au boudoir depuis une demi-heure quand elle entendit Yvonne aller ouvrir à un visiteur. C’était Guy de Morais, il ne voulut pas se laisser introduire au salon ; il insista tant que la bonne le conduisit aussitôt à Pierrette.
— Je serai peut-être grondée, bégaya la pauvre vieille. Mademoiselle ne reçoit jamais au boudoir.
Elle s’effaça pour lui livrer passage.
Pierrette se leva surprise et parut contrariée. Le moyen maintenant de le renvoyer.
— Ne vous dérangez pas je vous prie, j’ai forcé la consigne, et suis venu ici afin de vous permettre de continuer votre méridienne. Elle est encore nécessaire à votre santé ébranlée.
Il parlait avec une telle assurance, de quels moyens se serait-elle servi pour l’éconduire ?
Il prit la main qu’elle lui tendait, plongea ses yeux dans les yeux noirs brillants.
— Vous paraissez reposée, et j’en suis bien aise.
Il y avait entre eux une gêne que toute la désinvolture de Guy de Morais n’arrivait pas à chasser. C’étaient les sentiments tumultueux déchaînés dans l’âme de Pierrette et qu’il avait soupçonnés en la regardant.