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du jour où la circulation est très congestionnée. Au coin d’une rue, un auto, venant en sens inverse et conduit par un homme aviné, vint me barrer le passage ; au lieu d’appliquer les freins, je pressai l’accélérateur. Le reste, vous le devinez facilement.

Elle n’avait pas mentionné la présence de Charlie, ni son arrivée. Guy de Morais comprit qu’il la contrariait en lui parlant de cet épisode, et changea de sujet.

— Êtes-vous assez bien pour reprendre vos habitudes de sportive ? Mademoiselle.

— Je le crois bien, mais j’en ai perdu l’habitude, si vous saviez comme c’est drôle !

Elle rit nerveusement.

— Que diriez-vous d’aller prendre le thé chez Kerhulu ce soir, à cinq heures ?

— Il me faudrait faire toilette, je ne puis toujours pas me présenter ainsi.

— Vous avez amplement le temps, j’attendrai que vous soyez prête.

Ils causèrent encore quelques instants, la jeune fille reprenait peu à peu son aplomb, sa nervosité des premiers moments se dissipait, elle se reconnaissait mieux, elle croyait avoir retrouvé la Pierrette d’autrefois.

Elle s’absente. Quand elle revint, elle portait une robe de crêpe satin noir, un collet et des poignets blancs, une toque de velours de même couleur épousait étroitement la tête, elle portait sur son bras un manteau court en écureuil. Guy de Morais l’aida à mettre son manteau, elle glissa ses gants de chevreau blanc, jeta un dernier coup d’oeil à la glace, retoucha une boucle rebelle de ses cheveux.

— Vous êtes bien, dit Guy de Morais, en la caressant du regard.

Elle réfléchit tout à coup : si Charlie était ainsi ! Le jeune homme sentit passer une ombre sur son visage expressif.

— Le compliment était pensé, Mademoiselle, vous n’avez pas le droit de m’en vouloir.

Elle ne releva pas cette phrase.