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moiselle, c’est celui-là qu’elle aime. » Elle sourit de sa vieille bouche édentée.

Pierrette avait gardé sa robe de lainage souple. Ce n’était pas une visite de cérémonie, il arrivait ainsi sans avoir prévenu.

Elle entra au salon la main tendue.

— Bonjour Monsieur ! Comment allez-vous ? Quand êtes-vous arrivé ?

Guy de Morais ne répondit pas. Il garda prisonnière dans les siennes la petite main frémissante, car Pierrette était beaucoup plus facile à émouvoir qu’autrefois.

— J’avais craint de vous retrouver bien changée, Mademoiselle, mais sauf votre figure qui est un peu plus mince, c’est bien vous.

Il avait en disant ces simples mots un regard si caressant que Pierrette se sentit rougir sous le fard, et pour se donner une contenance, se dirigea vers le coin rose, son refuge de prédilection.

Elle s’excusa de sa tenue :

— Je n’ai pas repris mes habitudes de jeune fille du monde. Ma santé a encore des caprices, après dîner je fais une sieste. Comme c’est drôle ! dit-elle tout à coup, cela ne vous fait-il pas l’effet que je suis une vieille femme ?

Il sourit amusé. Elle avait l’air si convaincue.

— Une vieille dame ! On voit que vous n’avez jamais été malade. Combien y a-t-il de jeunes personnes qui sont toujours obligées de prendre des précautions ?

— Au fait, dit-il, racontez-moi donc cet accident. Vous n’en avez jamais fait mention dans vos lettres ; cependant votre mère, à plusieurs de mes missives restées sans réponse, me parlait d’une collision de voitures.

Pierrette étendit ses mains, les frotta l’une contre l’autre, ouvrit la bouche et la referma, ses lèvres tremblèrent, enfin elle se décida à parler :

— Un ridicule accident d’automobile, j’étais un peu nerveuse, je conduisais à la basse-ville à un moment