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Le lendemain, Pierrette saute dans sa machine et part chez la malade. Il lui tarde de lui remettre ce tricot, elle n’attendrait ni Noël, ni le Jour de l’An c’était pour la pauvresse quasi une nécessité.

Elle stoppe, grimpe les escaliers rapidement, heurte la porte du doigt et s’introduit dans la pièce. Un demi jour douteux éclairait un désordre plus frappant que le jour de sa première visite. Ils avaient mangé, et les assiettes cassées voisinaient avec les vêtements en lambeaux. Un tout petit passait sa langue sur une assiette vide. Elle avança jusqu’au grabat, mais la femme n’y était pas. Elle questionna une petite fille de quatre ou cinq ans barbouillée au possible :

— Maman est allée chez l’épicier.

Pierrette se préparait à redescendre quand la femme revint portant du pain, des patates et un autre paquet bien enveloppé qu’elle s’empressa de faire disparaître dans sa couche. La jeune fille en fut intriguée, mais ne questionna pas. Elle tendit son gilet.

L’infortunée s’en saisit et fit la moue :

— Ils sont tous pareils, ces riches ! Si vous l’aviez acheté pour vous, vous l’auriez certainement choisi plus pâle.

En effet, du manteau entr’ouvert de la jeune fille elle voyait une robe de laine bleue pastel.

Pierrette émue ne savait que dire.

— Madame, j’avais pensé vous procurer un vêtement pratique. Quand vous reviendrez du travail ne vous sera-t-il pas plus utile foncé ?

Elle mit la main sur le tricot : comme si elle avait idée de le reprendre.

— Je vous remercie tout de même, ajouta la pauvresse.

Pierrette sortit. La moitié de son entrain du matin était tombé. Elle courut les magasins et revint pour le dîner.

Elle raconte à sa mère son entrevue avec leur protégée ; celle-ci se fait donner des précisions, et ajoute : « la bouteille qu’elle a fait disparaître sous les couver-