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colore. Charlie, l’esprit rempli de pensées tristes, s’avance entre les deux rangées d’arbres de la Grande-Allée. Il vient faire ses adieux à Madame des Orties, et contempler une dernière fois le pâle visage de sa petite fiancée.

Le salon est désert. Il retrouve la mère dans la chambre de sa fille. La chambre jaune si vivante l’autre soir, a pris avec les jours, un aspect lugubre. Sur la table, tout près du lit, des fioles, dans l’air une senteur de pharmacie. Sur les oreillers blancs, une figure pâle, souffrante, entourée de cheveux noirs dont les mèches se collent aux tempes moites. Quand les yeux s’ouvrent, ils ne semblent rien voir. Ils sont brillants de fièvre et trop grands dans la figure exsangue. Charlie contemple cette vision si peu semblable à ses rêves. Pierrette si pleine de vie, d’une santé si robuste ! Il ne se rappelle pas, depuis des années qu’il la connaît, l’avoir jamais entendue se plaindre d’être fatiguée. Madame des Orties et Charlie sont assis dans un coin reculé afin de ne pas fatiguer la malade par le bruit de leurs paroles ; ils parlent bas comme dans une église. Pierrette ouvre les yeux, tend le doigt dans la direction de Charlie :

— Il est là. Qui lui a dit de venir ? Va-t’en ! Va-t’en !

Instinctivement, ils se sont levés et Charlie est resté dans son coin, se demandant ce qu’il doit faire, fuir ou rester. Tandis que Madame des Orties s’est approchée de sa fille.

— Il n’y a personne, ma petite chérie, calme-toi.

La malade referme les yeux, et paraît reposer.

Sur la pointe des pieds Charlie s’est approché, il pose sur le front de sa fiancée un long baiser et s’éloigne sans se retourner.

À la porte, il prévient Madame des Orties qu’il doit partir incessamment.

— Vous me donnerez des nouvelles, supplie-t-il.

La pauvre mère touchée de cette nouvelle marque d’attachement malgré tout ce qui s’est passé, promet.