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de côté, au moment où nous longions la rue Saint-Paul, Madame, nous devons encore remercier le bon Dieu. Votre enfant pouvait être tuée sur le coup, et j’aurais en même temps perdu ma fiancée.

Charlie était très pâle, sur l’habit foncé une tache commençait à paraître. Le sang avait fini par trouver son chemin à travers l’étoffe assez forte.

Madame des Orties, se levant, s’avance vers le jeune homme.

— Mais vous êtes blessé, mon ami, il faut aller voir le médecin, un pansement s’impose.

— Inutile, j’ai chez moi tout ce qu’il me faut, dans le bois, nous sommes habitués à savoir nous passer de la médecine.

— S’il en est ainsi, regardez dans la pharmacie, vous pourrez probablement procéder immédiatement.

Quelques instants plus tard, Madame des Orties et Charlie sont assis en tête à tête près de la table de la salle à manger. Ils ne se sentent ni l’un ni l’autre disposés à toucher aux mets disposés avec goût par les mains expertes de la bonne. Leur conversation est coupée de longs silences. Puis, tantôt l’un, tantôt l’autre, ils se dirigent sur la pointe des pieds vers la chambre de Pierrette, afin de s’assurer qu’elle repose toujours, qu’elle n’a besoin de rien.

Vers dix heures Charlie prend congé. Madame des Orties le rassure en lui promettant de l’appeler tout de suite s’il y a quelque chose d’anormal. Restée seule, munie d’un livre, elle s’installe au chevet de sa fille.

Charlie a commencé par une longue marche. De retour à l’hôtel, il ne se sent pas sommeil, et se promène de long en large dans sa chambre. Il est très tard, nul bruit ne s’élève des pièces voisines et au milieu de cette solitude, la conduite de Pierrette lui semble encore plus singulière. Dans ses lettres, les dernières surtout, elle se faisait de plus en plus tendre. N’avait-elle pas demandé que ce retour fût avancé ? Puis, maintenant qu’il est arrivé, qu’il est là tout près d’elle, ne demandant qu’à l’aimer et à la rendre heureuse, elle