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Madame des Orties vient enfin le rejoindre. Habituée de taire ses sentiments intimes devant les étrangers, elle souhaite tout d’abord la bienvenue au jeune homme.

— Vous m’excuserez, n’est-ce pas, si je ne l’ai pas fait plus tôt, vous comprenez combien j’étais peu moi-même. Quelle surprise !

Puis elle s’enquiert de son voyage, prend des nouvelles de ses parents, et l’invite à partager son repas.

— Le souper sera un peu moins gai qu’il ne devait l’être, toutefois vous vous sentirez moins seul qu’au restaurant, de plus vous pourrez juger par vous-même de l’état de Pierrette.

Ces questions qui brûlent les lèvres du jeune homme depuis si longtemps, qui tourbillonnent dans sa tête, il trouve enfin l’occasion de commencer à les énoncer :

— Que vous a dit le médecin, Madame ?

— Qu’un repos de quelques jours aura raison de ce choc.

À son tour elle voudrait bien se renseigner, car depuis le moment où son enfant a été déposée inerte sur son lit, un pansement à la tête, elle a compris qu’il s’agissait d’un accident. Elle n’ose forcer la parole à ce jeune homme qui reste là devant elle, impénétrable. Au contraire, c’est lui qui continue son enquête :

— Madame des Orties, dites-moi, Pierrette s’est-elle fatiguée outre mesure, ces jours derniers ?

— Pourquoi me demandez-vous cela ?

— Quand elle est venue à ma rencontre au débarcadère elle était affreusement nerveuse. Elle a refusé de se laisser embrasser : elle m’a repoussé sous la pression d’un sentiment qu’elle ne semblait pas s’expliquer elle-même. Ensuite, vous savez avec quelle sûreté de main, elle conduit ordinairement, elle nous faisait caracoler d’une manière terrifiante. Je lui ai proposé de la remplacer au volant. Elle s’y est refusée. Si j’avais pu prévoir ce fatal accident, j’aurais insisté. Une machine venant d’une rue transversale a frappé la nôtre