Page:Filion - Amour moderne, 1939.djvu/32

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 30 —

— Veux-tu que je conduise ce soir ? tu parais fatiguée.

— Moi, fatiguée, quelle idée par exemple !

Et l’auto continue à sautiller sous les coups nerveux de la main qui la dirige.

À l’intersection d’une rue, un homme quelque peu aviné conduit à une allure rapide, Pierrette, en voyant l’évidence du danger au lieu d’appliquer les freins, presse inconsciemment l’accélérateur.

Charlie, en s’apercevant de la méprise de la jeune fille, veut lui-même mettre le pied sur le levier sauveur : mais trop tard, le choc se produit avec une secousse terrible. La machine venant en sens inverse a frappé par le côté la voiture conduite par la jeune fille. Le monde commence à se rassembler. Par le coupe-vent, on voit apparaître une tête ensanglantée. C’est celle de Pierrette. Quelques personnes font preuve d’un sang-froid admirable. On parvient jusqu’aux occupants qui, au premier coup d’œil, semblent faire partie de leur véhicule. Charlie ne souffre que d’une blessure à l’épaule, et finit par avoir raison de tous les obstacles. Le conducteur de l’autre machine n’a aucun mal. Alors Charlie se porte au secours de Pierrette. Il ne veut pas que d’autres mains la touchent, en manquant de précaution, on pourrait lui faire mal. Il ne parvient à la dégager que pour la voir tomber inerte dans ses bras. À la première commotion elle a perdu connaissance. Le petit chapeau de paille noir est resté en lambeaux adhérant aux débris de la glace. La petite tête brune et nue, les cheveux emmêlés, le sang qui coule le long de son visage que le fard maintient vermeil, le tour de la bouche, le front, le cou sont d’une pâleur qui rend encore plus frappante, plus extraordinaire la couleur rosée des joues. Chargé de son précieux fardeau, Charlie se dirige vers la première pharmacie venue. On commence à donner à la blessée les soins d’urgence, en attendant la venue du médecin. On lui fait respirer de l’éther, elle entr’ouvre les yeux pour les détourner aussitôt de Charlie, comme s’il lui