Page:Filion - Amour moderne, 1939.djvu/27

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 25 —

vent passe dans ses cheveux, et lui est une caresse. Un oiseau, dans les arbres qui s’étagent aux gradins de la côte, et font un arrière-plan tout sombre au milieu de cette pâle clarté lunaire, fait entendre un plaintif chant d’amour. La brise s’élève d’une gamme, et toutes les feuilles bruissent en même temps comme un accord assourdi. Pierrette sent son cœur qui chante à l’unisson de toute cette beauté de la nuit.

De la maison, Madame des Orties appelle :

— Pierrette, il se fait tard, entre ma mignonne, tu prendras froid.

La jeune fille obéit à regret, embrasse sa mère au passage, et monte à sa chambre.

La fenêtre est ouverte, elle s’accoude à l’appui, et écoute ainsi longtemps le chant de la nature endormie. Bruits imperceptibles, soupirs des feuilles, cri d’amour ou d’angoisse d’un oiseau invisible.

Pierrette court par la maison. Elle met ici des fleurs, là, un amas de verdure qui forme dans le coin de la salle à manger un véritable bosquet.

En passant par le corridor, Pierrette aperçoit une lettre sur la table ; elle se penche et se rend compte qu’elle lui est adressée. Un sourire ému court sur ses lèvres, elle s’enfuit, s’asseoit face au fleuve. C’est une lettre de Guy de Morais, elle veut la lire loin des regards indiscrets. Il sait si bien dire les choses les plus simples qu’elles prennent, sous sa plume, une valeur précieuse. Avec un art consommé, il sait rappeler les meilleures heures de son séjour à Québec ; toujours ce sont celles qu’il a passées en compagnie de Pierrette.

Avec une discrétion voulue, il s’oblige à ne parler que de la jeune fille, de ce qu’elle a dit en telle circonstance. Il s’oublie lui-même, et ne parle jamais de Charlie. Pierrette ne remarque pas toutes ces nuances, mais jouit de trouver énoncés subtilement des sentiments qui trouvent un écho dans son cœur. Il lui semble avoir depuis longtemps songé la même chose sans avoir su découvrir les mots propres à rendre sa pensée. Elle replie la lettre, et le fleuve lui paraît plus beau,