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CHAPITRE TROISIÈME

L’ATTENTE


Le soleil de juillet fait les rues désertes. L’asphalte brûle les pieds, les voitures soulèvent un nuage de poussière.

Pierrette, de ses petits talons, frappe le trottoir d’un mouvement cadencé et rapide. Elle vient à la ville presque chaque jour, bien que sa mère soit fixée à la campagne pour toute la vacance. Elle prépare son trousseau. Elle sort d’un magasin, entre dans un autre, confronte des étoffes, fait la moue, sort et repart dans sa course précipitée. Cinq heures et demie, Pierrette est au volant et regagne Everell. Sa mère a loué une jolie villa précédée d’un parterre ; les fleurs sont en pleine floraison, les phlox embaument, la brise traîne avec elle de chauds parfums capiteux. Pierrette, étendue dans le hamac entre deux arbres, dont les feuilles chuchotent câlinement, trouve la vie bien belle ; qu’il fait bon vivre, quand on a vingt ans et que le ciel dispense chaque jour, un plus grand bonheur ! La vague caresse les joncs de la berge, ce bruit monotone lui semble doux. Les bras repliés derrière la tête, elle sourit aux étoiles qui commencent à percer le velum bleu au-dessus des arbres. Elle rêve les yeux ouverts. Demain, un certain nombre de ses amies viendront, elles prendront le thé à cinq heures : et elle se propose bien, puisqu’on est à la campagne, de les retenir à souper. Elle règle à l’avance l’emploi de la soirée. Le silence gagne peu à peu le parterre, et même le chemin. Pierrette ne songe pas à rentrer. Elle sent en elle un tel bonheur, une joie sans nom et qui l’emplit toute. Un léger souffle de