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lui fait ainsi de temps à autre de ces envois toujours bienvenus. Entre ses doigts habiles, les longues tiges se courbent dans les vases aux cols allongés, et se préparent à faire un effet de révérence aux premières personnes qui seront introduites au salon.

Benoît entre sans être annoncé :

— Bonjour ma cousine, déjà levée !

— Au printemps, répond Pierrette, il fait si beau, si bon ; peut-on perdre une minute de la journée ?

— C’est comme la jeunesse, reprend Benoît, il faut en user.

Il reste là considérant les fleurs qui se groupent avec goût. Sa cousine ne semble plus s’occuper de sa présence ; elle va, vient, en robe de toile blanche, des souliers de sport aux semelles caoutchoutées assourdissent ses pas. Elle disparait sans bruit derrière la portière qui sépare ce salon de la bibliothèque.

— Où vas-tu, cousine ? interpelle Benoît.

— Dans ma chambre, excuse-moi, je pensais que tu pouvais t’amuser sans ma présence.

Elle revient sur ses pas. Un de ses bras relevés soutient l’étoffe de la portière bleue qui frôle son visage ; elle la laisse retomber, et tous ses cheveux en sont ébouriffés.

Elle s’est assise sur un tabouret et regarde son cousin d’un air amusé :

— Tu as quelque chose à me dire. Est-ce si grave qu’il t’en coûte de la sorte de l’énoncer ?

Elle s’avance vers lui, d’un bond souple et rapide, s’asseoit sur le bras du fauteuil.

— Je pars demain, Pierrette, tu ne feras pas à M. de Morais l’affront de lui refuser une soirée d’adieu.

— Ce n’est que cela, dit-elle, en pouffant de rire, annonce-lui qu’il peut venir, je ne suis pas un dragon.

Pierrette tend l’oreille : elle a entendu le déclic de la boîte à lettres dans laquelle le facteur vient de glisser le courrier.

C’est tout, excuse-moi, je vais chercher les journaux.