Page:Filion - Amour moderne, 1939.djvu/16

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 14 —

étranger lui pose ainsi cette question ? L’aime-t-elle vraiment ? Quelle pensée angoissante ! L’a-t-elle assez retournée ?

Guy de Morais s’imagine qu’il l’a blessée, et n’insiste pas davantage. Il sait que ce seul point d’interrogation fera plus de travail dans l’esprit de Pierrette que toutes les insinuations. De son côté, il se met à dessiner des arabesques. Bientôt les lignes courbes, les lignes brisées, les lignes droites se changent en figures. Il s’applique à retracer les traits du jeune homme qu’il vient de regarder en photographie, mais il ne peut y arriver. Quelque chose de cette physionomie lui échappe ; tout à coup, il s’aperçoit, qu’ennuyé de ce modèle inconnu, il vient d’ébaucher la tête de Pierrette. Aussitôt il sort de sa poche un calepin, et fait un joli croquis de profil.

Benoît revient et Guy de Morais s’empresse de faire disparaître le dessin dans sa poche.

— Tu prenais des notes, lui dit son ami. Pourquoi ne te contentes-tu pas de regarder ?

— Tu n’ignores pas que je préfère les natures vivantes aux natures mortes.

Benoît s’apercevant que sa cousine n’a pas remarqué la réponse de son ami, n’insiste pas.

— Nous reconduis-tu ? Pierrette.

— Quand vous serez prêts.

La route du retour s’est enfuie rapidement ; mais les jeunes gens ont fait seuls les frais de la conversation. Pierrette semble bouder Guy de Morais de sa remarque indiscrète à l’égard de Charlie. Une remarque, non, mais une hypothèse lancée de manière à faire soupçonner beaucoup plus qu’il n’aurait pu dire. Pour cela il lui déplait, plus encore que pour ses expressions maniérées, étudiées.


* * * *


L’autre matin, Pierrette arrive au salon désert. Un bout de papier, placé bien en évidence sur le piano, at-