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momentanément un voile de tristesse sur sa figure mobile.

Pierrette engage son Essex dans le chemin réservé aux automobilistes. De chaque côté, quelques piétons traversent lentement en l’un ou l’autre sens.

Ils descendent de voiture au côté opposé : « Crescent Beach » dit Pierrette, en exécutant une pirouette.

— On se baigne à marée basse, dit M. de Morais.

— Non, à marée haute, mais pas avant la Saint-Jean.

À son tour le jeune homme se mit à rire :

— Et pourquoi pas ?

— Parce qu’avant ce jour-là, il est très dangereux de se noyer. Tous les ans, il y a des imprudents qui se rient de ces recommandations et il arrive des malheurs.

Tiens, pense Guy de Morais, elle, vingtième siècle sur une foule de points, se montre tout à coup pour le moins dix-huitième siècle, en croyant de telles balivernes, elle n’en est que plus piquante.

Un grand Monsieur à lunettes se promène sur la grève. Passant devant le groupe formé par la jeune fille et les deux jeunes gens, il jette un coup d’œil et s’avance vers Benoît.

You ! How do you do ? dit-il en secouant énergiquement la main que le jeune homme lui a tendue.

Pierrette s’éloigne de quelques pas et Guy de Morais la suit.

— Vous n’aimez pas entendre parler anglais ? Mademoiselle, demande-t-il.

— Cela m’est indifférent ; je comprends assez bien, mais ce personnage m’est étranger, et semble bien connaître mon cousin ; laissons-les seuls, j’aime mieux cela, d’autant plus que je ne suis pas venue ici pour causer. Voyez plutôt comme c’est beau ! Sa main montrait la vue superbe qui se déroulait sur une assez longue distance.