Avant de la quitter pour retourner chez lui, le jeune homme voulut faire accepter à Pierrette un cadeau assez important en argent ; elle en fut humiliée et refusa d’accepter.
Voyant bien qu’en insistant, il mortifierait davantage la cousine à la fierté ombrageuse, il prit le parti de se rendre à la cuisine.
— Yvonne, dit-il, prenez cet argent que votre maîtresse ne veut pas toucher ; il aidera à couvrir les dépenses que ma venue a certainement occasionnées.
— Comment ferai-je ? répliqua la bonne perplexe.
Elle se défendait entre deux sentiments contraires ; son désir d’éviter à sa jeune maîtresse une nouvelle raison d’économiser, et l’embarras de lui faire accepter cet argent.
— Vous la tromperez sur les déboursés, Yvonne.
— Vous pensez que c’est si facile ; elle est renseignée sur le prix de tout, et elle n’ignore rien de ce qui entre ici. Quelle maîtresse de maison, elle sait faire !
En effet, quand le samedi suivant, Pierrette vint à la cuisine pour régler avec Yvonne la question des dépenses de la semaine, celle-ci lui dit qu’elle n’avait pas besoin de beaucoup, étant donné les provisions faites en l’honneur de son cousin.
— Yvonne, je comprends, tu as accepté de Benoît l’argent que je n’avais pas voulu toucher.
Ses lèvres marquaient le dégoût.
Yvonne maugréa le dos tourné, en fourrageant dans l’armoire :
— C’est bien beau le détachement, mais enfin on ne peut toujours pas vivre de l’air du temps.