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Il sentit la petite main qui se débattait pour reprendre sa liberté. Elle est émue, se dit-il, et veut me cacher ses sentiments. Il desserra l’étreinte, il en avait assez, et poursuivit :

— Si tu veux refaire ta vie, il en est encore temps, dis oui.

Elle restait froide et muette, il s’aperçut qu’elle s’était ressaisie. Tout de même, il continua :

— Guy de Morais est prêt à revenir, puisque tu acceptes si bien la perspective de gagner ta vie. Vous vivrez quand même aux États-Unis ; il travaillera, tu gagneras ta part et vous pourrez vous faire la vie luxueuse à laquelle vous êtes tous deux habitués. Je n’ai qu’un mot à lui envoyer, et il viendra me rejoindre.

Pierrette tressaillit.

— Ce mot, je te défends de le prononcer. Je ne veux pas le revoir. Je le méprise dans mon cœur, mais pourtant nous sommes si curieusement organisés que je pourrais de nouveau me laisser prendre à ses manières, à sa parfaite distinction apparente ; mais d’un mariage sans estime, je ne veux à aucun prix. Il a été trop vilain, jamais je ne pourrais l’aimer comme autrefois, que dis-je, je ne saurais l’estimer une minute. Il a physiquement tout ce qu’il faut pour plaire, mais son cœur, à la hauteur du bas de laine, m’a dégoûtée. La vie cache tant de bassesses.

Elle sanglota, ses deux bras coulant le long de sa jupe. Elle paraissait découragée, hors d’elle-même.

— Pierrette, voulut encore plaider le jeune homme : Réfléchis bien, ton avenir serait assuré, puis tu sais, beaucoup de mariages, sont des mariages de raison ; admettons que tu n’accepterais cette solution que comme un pis aller.

— Comme tu me connais peu. De plus nous discutons inutilement, je n’en suis pas à cette extrémité, j’ai rencontré sur mon chemin un amour plus noble, beaucoup plus désintéressé.

Son cousin la regardait stupéfait :

— Tu es donc sur le point de te marier.