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fière et orgueilleuse Pierrette des Orties était tout heureuse de donner sa petite main vide au jeune homme dédaigné quand cette main était garnie.

Pour la première fois depuis des mois, les larmes coulèrent de ses yeux, elle voulut chanter pour les faire tarir, mais elles roulèrent plus abondantes, et la jeune fille après une longue veille douloureuse finit par s’endormir. Comme elle avait longtemps pensé à Charlie, elle rêva de leur entretien, elle l’entendit renouveler ses espérances matrimoniales, mais au matin, elle fut surprise de retrouver dans ses rêves les traits de Guy de Morais.

Son cousin arrive ce soir. Pierrette est à la gare et l’attend comme la dernière fois. Elle porte une robe blanche, un chapeau de paille de même teinte, et l’accueille avec la même expression de joie jeune. Cette fois, elle est venue en tram. Son cousin hêle un taxi et ils partent. Pierrette se sent confuse, et ne peut s’empêcher de prévenir Benoît :

— Il y a bien des choses de changées. Tu vois, je ne conduis plus un auto, et nous ne saurions t’offrir l’hospitalité, l’exiguïté de notre logis ne le permet pas.

Le jeune homme sourit et prenant la main de sa cousine :

— Par tes lettres, il me semblait Pierrette, que tu supportais mieux ce changement de fortune.

— Pour moi, c’est vrai, cela m’est parfaitement indifférent, mais je pense à maman, et à la mortification qu’elle ressentira de ton séjour dans une chambre d’hôtel.

— Ne t’inquiète pas, cousine, je commence à bien connaître Québec. Je n’irai pas à l’hôtel, je louerai simplement une chambre et nous prendrons nos repas ensemble. Tu verras que ta mère aura l’impression de me recevoir chez elle comme autrefois.

— Surtout évite toute allusion au passé. J’ai pris l’habitude de vivre entièrement du présent afin d’abolir les jours anciens, et d’entraîner ma mère à se faire une âme neuve en rapport avec notre vie présente.