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res, elle se mettrait l’esprit à la torture. Un jour ou l’autre tu pourras venir la saluer ; elle reçoit l’après-midi et sera contente de te revoir.

Elle s’enfuit, et Charlie reste figé sur place, comme s’il eût espéré qu’un hasard quelconque l’obligerait à sortir de nouveau. Et pourquoi ? il avait eu l’occasion de lui exposer tous ses griefs, de formuler toutes les demandes, il n’avait pas su profiter de sa présence. Loin de là, il lui avait dit une foule de choses qui pouvaient l’éloigner de lui quand il s’était tant promis de la reconquérir. Il se faisait des reproches, il avait toujours été ainsi. À quoi bon se désoler ? Il ne changerait pas du jour au lendemain. Dans toutes les circonstances graves, sa timidité en face de cette enfant lui avait fait commettre des bévues, les jours et aux moments où il avait le plus désiré n’en pas commettre.

Un après-midi il vint rendre visite à Madame des Orties. Pierrette n’avait pas prévenu sa mère du retour de Charlie et de leur rencontre ; celui-ci en pénétrant dans le salon lut la surprise sur la figure de son hôtesse et comprit aussitôt le silence de Pierrette. Il en fut mortifié et jugea convenable de ne pas mentionner leur récente entrevue. Madame des Orties ne put s’empêcher de lui dire :

— Je trouve étrange que vous n’ayez pas eu l’intention de revoir ma jeune fille la première, mais j’y songe, vous ignorez probablement qu’elle travaille, vous aviez espéré la rencontrer à la maison cet après-midi.

Charlie eut la franchise de répondre :

— Si, j’ai revu Pierrette, il y a près d’une semaine. C’est elle qui m’a proposé de vous faire une visite.

Madame des Orties allait lui expliquer ou lui demander quelque chose, et elle n’en eut pas le temps, s’excusant auprès du jeune homme. Elle s’avance, la main tendue, pour souhaiter la bienvenue à une nouvelle arrivante. Puis le cercle s’agrandit, et la conversation ne porta plus que sur des questions mondaines,