— Pourquoi ne m’as-tu pas dit que tu étais obligée de travailler ?
Le mot a été spontané, il le regrette déjà ; comment le prendra-t-elle avec cette tête qu’il lui voyait l’autre matin ?
Dans son émoi, il a oublié toutes les belles phrases qu’il avait préparées et son cœur seul a dicté ces quelques paroles.
Pierrette très pâle regarde Charlie. Ses lèvres tremblent, elle ne peut arriver à articuler une syllabe. Elle se croyait plus maîtresse d’elle-même. Mais aussi cette surprise après une journée de travail et de réclusion par cette chaleur. D’une voix très basse, elle prononce :
— C’était bien inutile.
— Qu’en sais-tu Pierrette ?
Puis changeant de ton :
— As-tu affaire à M. Z ? questionne-t-elle !
Inconsciemment elle avait repris le tutoiement de jadis, Charlie ne lui en avait-il pas donné l’exemple ?
— C’est inutile de simuler, Pierrette, tu le sais bien.
— As-tu affaire à M. Z ? questionne-t-elle.
Pierrette répéta :
— C’est bien inutile.
Charlie la regardait, il avait espéré une toute autre réception. Il se ressaisit :
— Pierrette, tu pars à cinq heures, prépare-toi, je te reconduis chez ta mère.
La jeune fille hésite.
Peut-elle accepter cette politesse de Charlie ? Pourquoi pas ? Il lui semble si peu ressemblant au jeune homme qu’elle avait attendu, un jour, au débarcadère du chemin de fer.
Elle s’agite, classe, place dans les filières ; ses longs doigts sont aussi habiles à ce travail qu’ils l’étaient autrefois à manier des fleurs. Enfin elle est prête.
Charlie ouvre la portière et s’efface :
— Monte et conduis, Pierrette, tu sais toujours.