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Pierrette fait les honneurs de son petit « home » comme elle faisait les honneurs de son riche logis.

Elle cause gaiement avec son amie, s’informe de plusieurs jeunes filles qu’elle n’a pas rencontrées ces derniers temps ; elle a été si occupée, et cela lui semble si comique dans sa bouche, cette expression : « si occupée ».

La quêteuse expose le but de sa visite.

— Ne suis-je pas indiscrète en venant te solliciter ? Tu étais si généreuse que j’aurais eu du regret de ne pas t’associer à nous comme autrefois.

Elle avait une manière de dire : « comme autrefois » qui finit par blesser l’oreille de Pierrette. Elle pensait malgré elle : « Ne pourrait-elle pas omettre de me rappeler si maladroitement mon passé ! »

Pour écourter cette visite qui lui devenait à chaque instant plus désagréable à cause du complet manque de tact de cette amie, Pierrette sachant bien que sa mère devait suivre leur conversation, sa chambre étant contiguë au salon, dit à la jeune fille :

— C’est le Père X… qui s’occupe de cette œuvre, j’irai le voir demain.

Elle se levait en même temps de manière à lui faire comprendre qu’une visite dans un but de charité ne doit pas s’éterniser.

L’autre piquée au vif ne put s’empêcher de lui décocher une pointe :

— J’étais à peu près certaine qu’il était inutile de te voir sous les circonstances.

Pierrette ne releva pas l’intention malveillante, mais elle sentait cruellement que l’allusion répétée était voulue : cette jeune fille était jalouse et n’avait pas de cœur. Elle la reconduisit elle-même et la laissa sur un cordial au revoir.

Elle se demandait combien de ses amies sentiraient ainsi un plaisir malin à humilier la Pierrette qui tenait toujours la première place autrefois ; cette réflexion ne fit qu’amener un sourire amer sur ses lèvres. Riche, elle avait appris à connaître les derniers éche-