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Ce soir, elle entre avec son premier salaire, elle court à la cuisine :

— Yvonne, acceptez ceci, en acompte sur ce que je vous dois d’arriéré.

La bonne a beau protester que Mademoiselle ne lui doit rien, Pierrette se sauve en laissant le billet de banque sur le coin de la table.

Elle ne peut aller loin dans ce petit logis, et Yvonne la rejoint aussitôt à la salle à manger. La jeune fille est à ranger son chapeau et son manteau dans la garde-robe.

Yvonne a beau protester qu’il doit y avoir des choses plus pressantes à payer, Pierrette lui ferme la bouche en lui disant :

— Je vous prie, ma bonne, n’insistez pas, vous me feriez de la peine, retournez à votre cuisine.

La vieille s’en retourne en marmottant.

Au souper Pierrette s’informe de mille détails. Sa mère lui répond point par point. Elle ne peut reconnaître son enfant dans cette jeune fille devenue du jour au lendemain une personne si différente. Autant elle ne s’occupait de rien autrefois, autant elle n’oublie rien maintenant. La maman craint que ce beau zèle ne se refroidisse ; elle en serait contrariée, car elle ignore si elle saurait tenir une maison avec si peu.

À l’heure de la soirée une amie de Pierrette l’appelle, et lui demande si elle est libre. Elle répond affirmativement.

— Puis-je aller te voir demande l’amie d’une voix hésitante ? C’est pour une œuvre de charité.

Pierrette l’invite à venir, elle se demande pourtant ce qu’elle sera en mesure de faire présentement. Peut-être suffira-t-il de vendre à un comptoir, le soir ! Enfin elle verra, si elle peut quelque chose.

Madame des Orties s’est retirée. Elle ne peut supporter l’idée de recevoir dans les conditions où elles se trouvent. Le salon est pourtant convenable. Elles y ont logé le piano à queue, le « Chesterfield » et l’espace est encore assez grand.