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comme des étoiles les fenêtres des dernières maisons de la petite ville.

Ses idées se classent. Au cours de l’été il fera un voyage à Québec. Pierrette sera partie à New-York, il ne pourra plus qu’entendre parler d’elle.

Après cette longue marche il se sent plus calme, et revient vers la pension. Le souper a été servi, on l’a cru parti. Il constate tout cela d’un coup d’œil dans le corridor dont la disposition lui permet d’étudier d’un regard la salle à manger ; il se glisse sans bruit à l’étage supérieur, heureux de n’avoir rencontré personne. Il pénètre dans sa chambre et ferme la porte à double tour. Demain il ne déjeunera pas ici, comment pourrait-il supporter les cancans de ces hôtels de petite ville où les mêmes personnes se rencontrent périodiquement et s’entretiennent des affaires de leurs voisins.

Charlie est une de ces natures très énergiques qui ne se laissent abattre par rien. Il a aimé Pierrette profondément. Il ne fait rien à la légère. Elle n’a pas su comprendre le grand sentiment désintéressé qu’il lui a voué ; il ne veut pas se désoler outre mesure. Pourtant, certains jours plus sombres il a craint de sentir germer en lui la haine, il a eu peur de lui. Alors il se saisissait d’un souvenir d’elle, d’un de ces riens qu’elle lui avait donnés autrefois, et tout de suite il sentait son cœur se fondre d’amour pour elle. Comment en pourrait-il être autrement, il l’a toujours aimée, il n’a jamais aimé nulle autre femme. Maintenant il redoute la prochaine expérience qu’un jour ou l’autre il fera d’une jeune fille. Il ne peut arriver à les croire toutes pareilles à Pierrette, prêtes pour un oui ou un non à délaisser l’homme auquel elles ont promis leur foi. Maintenant qu’il souffre à cause d’elle, et ce soir d’une brûlure plus cuisante, il se dit que pas une ne pourrait jamais lui plaire comme Pierrette. Plus il réfléchit entre ces quatre murs blanchis à la chaux, dans cette chambre faite de bois vert qui a séché et dont les interstices des planches lui permettraient de suivre ce qui se passerait chez son voisin s’il y en avait un, plus il se