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déficit. Elle se demandait ce qu’elles devaient dépenser quand elles donnaient deux ou trois réceptions par semaine. Mais ce temps n’était plus, il était urgent de laisser cette maison sous le plus court délai possible. Puisqu’il ne fallait pas penser à la vendre par ces temps difficiles, le mieux était de la louer, et de se chercher un logis moins dispendieux, assez confortable. Avec une précision, qui la terrifie, elle calcule ce que celle-ci peut rapporter dans les conditions présentes. Sa mère vivra de ses rentes de jeune fille. Elle, de son travail. Le loyer de cette maison paiera le petit appartement et défraiera les plus grosses dépenses.

Le lendemain elle se présente au déjeuner assez défaite.

Sa mère s’inquiète aussitôt de sa santé.

— Oh non, maman, je ne suis pas malade ; de plus ce n’est pas le temps de l’être.

La pauvre mère s’imaginait bien à tort que sa fille avait pleuré toute la nuit la défection de Guy de Morais. Elle lui proposa une sortie pour la distraire.

— Maman, c’est impossible, j’ai des courses urgentes à faire. Je vous remercie tout de même de votre bonne intention.

Elle part, et malgré la neige fondue qui fait les rues malpropres et impraticables, elle court au bureau des journaux et sans plus tarder fait changer l’annonce. Puis elle se rend chez quelques Messieurs de leurs connaissances et leur explique sa position telle qu’elle est. « Ce que je vous demande, ce n’est pas une aide pécuniaire, nous n’en avons pas besoin pour le moment, mais une manière de gagner ma vie. »

Ces hommes se sentent aussitôt bien disposés envers cette jeune fille polie, peu hautaine, pas pleurnicharde non plus malgré son malheur réel ; mais ils se demandent, si élevée comme elle l’a été, elle sera en mesure de rendre des services dans un bureau.

Elle rentra pour l’heure du dîner. Elle ne rapportait aucune bonne nouvelle ; elle n’ose même pas faire