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se ; mais aussi, elle a bien des choses à lui demander au bon Dieu, cette année. Sa mère supporte mal l’épreuve ; pourtant rien n’a été changé à leur vie. Qu’en sera-t-il quand elle devra laisser cette maison à laquelle elle est foncièrement attachée ? Pierrette revient très calme et avec l’espérance d’une bonne nouvelle. Pourquoi ? Elle n’en sait rien. Elle longe le corridor et croise Yvonne.

— Il y a sur la table une dépêche pour vous, Mademoiselle.

En même temps Pierrette l’a vue, son rectangle jaune se détachant en une tache claire sur le vernis. Elle le saisit : C’est de Guy, elle n’en doute pas, il lui annonce son arrivée.

Elle a peine à empêcher sa main de trembler quand elle lit, les caractères dansant devant ses yeux :

Empêché de me rendre. Ecrirai prochainement. Sympathies.

Guy de Morais.


Elle conclut aussitôt que c’est l’annonce d’un abandon définitif. Très bien, se dit-elle, et elle ne verse pas une larme. Elle sourit même à la pensée des sympathies. Ce n’était pas moi qu’il aimait, mais mon argent, je suis prête à bénir cette circonstance malheureuse qui me permet de découvrir ses vrais sentiments. Le lâche ! Le vilain !

Elle court trouver sa mère et lui montre le papier jaune.

— Je ne me fais pas illusion, maman. Demain, tout de suite, je me mettrai en quête d’un gagne-pain. Je regrette seulement d’avoir tant tardé.

Heureusement pour elle, sa mère avait eu la bonne idée de lui faire donner une instruction complète, bien qu’elle fût loin de s’attendre à voir sa jeune fille dans la nécessité de se pourvoir elle-même. Elle jugeait qu’une éducation trop superficielle ne forme pas le caractère, ne développe pas toutes les énergies. Qu’un demi savoir rend une jeune fille orgueilleuse et pédan-