Page:Filion - Amour moderne, 1939.djvu/102

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 100 —

aucune manière à quoi se réduisaient les débris de leur fortune.

Par petites phrases concises, claires et nettes, elle lui explique comment leur argent a été englouti. Ne lui offre pas de reprendre sa parole, elle aurait cru lui faire injure. Elle remet son manteau et son chapeau, et court porter ce billet à la boîte à lettres. Elle avait coutume de demander ces petits services à Yvonne, mais elle avait compris qu’il valait mieux pour elle, à toute éventualité, s’habituer à se servir seule. Si elle allait être lâchement abandonnée de Guy, ne serait-elle pas obligée, comme d’autres de ses amies, qui s’étaient vues après la mort de leur père, dans cette obligation de travailler. Elle sourit : « Suis-je insensée ? » Et confiante, elle revient à la maison et s’ingénie à distraire sa mère. Elle s’asseoit au piano et se met à jouer et à chanter.

Madame des Orties lui fait remarquer tandis qu’elle rangeait une partition :

— Si nous allions être forcées de vendre cet instrument ?

— Eh bien ! maman, ce sera notre désennui, par le fait même, le dernier meuble dont nous nous départirons. En attendant, faisons-le servir à sa fin : emplir la vie de douceur et de mélodie.

Les jours passent et la réponse qu’elle a pensé devoir être prompte à venir de New-York n’arrive pas, elle n’est pas très inquiète se disant que Guy peut être absent, en voyage, comme la chose lui arrive souvent : qu’il répondra aussitôt de retour, et que la lettre le touchera.

Mais les semaines s’écoulent, et Pierrette commence à perdre confiance. Elle se raidit pour n’en rien laisser paraître. Pâques s’avance, peut-être Guy apportera-t-il sa réponse ?

C’est le jeudi saint et Pierrette fait ses visites d’église en église. Elle n’a jamais prié avec une telle ferveur depuis qu’elle s’est lancée dans le tourbillon du monde. Elle pourrait se croire revenue à son enfance pieu-