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— Je suis contente de toi. Surtout, garde la plus grande discrétion, et ne laisse rien voir à maman.

Elle quitta la cuisine, déchargée d’un poids ; cette entrevue avait été facilitée par le dévouement inaltérable de la brave Yvonne. Maintenant il s’agissait de voir sa mère, et d’obtenir carte blanche. Tout un plan était échafaudé dans sa tête ; elle ferait en sorte de soutenir leur train de vie actuel jusqu’à l’époque de son mariage ; ensuite, elle la déciderait bien à venir demeurer avec eux aux États-Unis.

Elle se dirigea vers la chambre de sa mère et n’y trouva personne, elle revint vers le boudoir qu’elle trouva également vide ; enfin, elle pénétra dans le salon, et vit sa mère appuyée au dossier d’un fauteuil. Les yeux ouverts, elle paraissait vouloir emplir son regard de la vue de cette chambre qu’elle avait meublée et garnie avec tant de goût. Elle aperçut sa fille et lui dit en s’avançant vers elle :

— Il nous va falloir nous séparer de tous ces bibelots, de tous ces objets familiers, et, probablement, prendre un tout petit logis.

Pierrette la fit asseoir.

— Maman, conseilla-t-elle, n’allez pas si vite à démolir nos habitudes. J’arrive de chez le notaire, j’ai tenu à être complètement au courant. Je suis fixée. Dans quelques jours j’écrirai à Guy afin d’avancer l’époque de notre mariage. Ensuite, plus d’inquiétude, vous viendrez avec nous, je vous amène. Elle caressait sa mère du regard.

— Pierrette, ce que tu es enfant ! Sais-tu que Guy pourrait bien t’abandonner en apprenant l’écroulement de notre fortune.

— Je n’en crois rien maman, Guy est suffisamment riche par lui-même. Il a une belle situation qui doit lui apporter prochainement de l’avancement. Je ne lui soupçonne pas de sentiments aussi bas.

Sans qu’elle le laissât deviner, ces paroles dans leur cruauté, avaient éveillé en elle la crainte : elle ne voulut pas l’avouer, et continua à faire des projets. N’a-