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mère connaissait ce sentiment par expérience, et que cette expérience avait été le malheur de sa vie. Ses traits étaient si ravagés. Il y avait dans ses yeux tant de pitié pour cette enfant qui défendait son amour menacé.

Laure entoura la pauvre femme de ses bras, et la serrant pour la première fois avec effusion sur son cœur :

— Maman, je vous ai fait mal, mais je souffre tant, je l’aime tant. Ayez, ayez pitié de votre petite fille. En cet instant elle se sentait si petite.

La mère rendit son étreinte à l’enfant passionnée qu’elle reconnaissait si bien dans cette exclamation véhémente, et une fois de plus, elle fit allusion à celui qui lui avait donné la vie :

— Comme lui, tu ne sais pas te commander.

Laure voulut savoir qui sa mère désignait par ce mot : lui. Elle avait bien compris qu’il s’agissait de son père. Mais son nom, elle ne l’avait jamais prononcé. Était-il bien un Lavoise ? Quel était son vrai nom de famille ? Lui ferait-elle toujours un mystère de l’existence de son père ?

Lasse de questionner inutilement, elle se mit à marcher dans la chambre à pas saccadés.

L’arrivée de cette missive leur avait fait oublier l’heure et le déjeuner. Après quelque temps de cette course fatigante dans un espace aussi restreint, Laure proposa :

— Si nous allions dîner.

— Comme tu voudras, avait répondu sa mère.